La vie d'Erino Dapozzo

dapozzo Erino Dapozzo est Italien, originaire de Gênes. Il est né en 1905, marié à une Suissesse et ils ont eu 5 enfants.

Son père est venu en Suisse comme bien d’autres Italiens parce qu’il n’y avait pas de travail en Italie. Ils se sont installés à Moutier et ont travaillé au tunnel « Moutier et Granges ». Les gens qui construisaient ce tunnel étaient presque tous des étrangers comme les Dapozzo, c’était un travail dangereux. M. Dapozzo père s’est marié à une Suissesse, une fille de Moutier. Elle s’est convertie dans l’église de Moutier et cela a engendré des tensions dans la famille, le père Dapozzo était d’origine catholique… Ce serait trop long à raconter comment, lui aussi, s’est converti. C’était une belle famille de chrétiens.

Mais il y a eu la crise dans les années 1920 : plus de travail, surtout pas pour des Italiens. Ils auraient pu bénéficier de la caisse de chômage, mais leur fierté de travailleurs et leur orgueil d’Italiens les ont amenés à refuser : « Nous, on veut travailler ! »

Alors, ils sont partis en France, là où il y avait tous ces villages détruits par la Première Guerre Mondiale qu’il fallait reconstruire. Après la journée de travail, le soir, avec un petit sac, le père et les enfants allaient distribuer des traités et évangélisaient. Erino avait 16 ans.

Ils ont ensuite déménagé dans la banlieue parisienne et se sont construits une petite maison, puis ont réussi à monter une entreprise de construction. Et à côté de cela, ils évangélisaient. Ils avaient même fait une salle de réunions dans leur maison. Il y a eu là une assemblée qui existe encore aujourd’hui, une belle assemblée qui était une grande bénédiction.

Puis est venue la Deuxième Guerre Mondiale, l’occupation allemande. Erino parlait allemand, parce qu’il avait fait des séjours en Suisse allemande chez des paysans. Alors les Allemands lui ont demandé de faire des traductions entre le maire de Palaiseau, les autorités et ceux de l’Occupation. Il a eu accès à certains documents. Il voyait que certaines personnes étaient dénoncées par d’autres; ils se dénonçaient d’une famille à l’autre et puis ils dénonçaient les Juifs, etc… Et lui, par derrière, il allait les avertir: «Attention, vous avez été dénoncés, demain matin les Allemands vont venir vous prendre et puis, ils vont vous déporter, alors si vous voulez, vous avez juste le temps de fuir». En même temps il leur parlait de sa foi.

Jusqu’à ce qu’il soit tombé sur une famille française dont il avait sauvé le père. Le fils était jaloux de son père. Il a su ce que Dapozzo avait fait, et il l’a dénoncé. Il a été arrêté et condamné à mort et c’est seulement parce qu’il avait quatre enfants (Marguerite, sa femme, était enceinte du 4ème) qu’il a été déporté au lieu d’être exécuté. Il raconte toute cette histoire dans le livre : «Hambourg».

Dans le camp, en Allemagne, on lui a cassé trois fois le bras à coups de matraque. Et puisque ceux qui ne pouvaient plus travailler étaient tués, il a demandé à un camarade de lui attacher la pelle au bras, à trois endroits, pour qu’il puisse quand même travailler dans la mine et échapper à la mort… Sans soins, sans aucun médicament, cela était terrible. Et là il dit que le Seigneur a guéri son bras. Pour lui, c’était un miracle.»

Erino est Italien, mais il est né à Moutier, il a grandi en Suisse et sur les bancs d’école, chanté les chants patriotiques suisses; il était plus Suisse que beaucoup de Suisses… Sa femme était Suissesse; lui est né en Suisse, cinq enfants Suisses et pourtant il était considéré comme un indésirable, un étranger, à cause de sa foi…

Madame Dapozzo l’a aidé. A l’époque, les Italiens étaient considérés un peu comme des gens du sud, des gens primitifs, des gens « de 2ème classe ». Quand le Seigneur a uni ces deux vies et que dans sa famille, dans l’assemblée, dans la région, on a appris cela, elle a été prise à partie… Il est venu en Suisse la chercher, pour l’épouser, et puis elle a accepté d’aller avec lui en France, malgré toutes les oppositions.

Je vous l’assure, elle a eu du courage, c’était vraiment parce qu’elle l’aimait et qu’elle voulait partager sa vie au service de Dieu. Elle a accepté bien des renoncements, c’était une vie de combats, de luttes, mais aussi de bénédictions. Ils ont eu une vie très dure. Quand ils se sont mariés, la veille de sa venue en Suisse, c’est à dire un ou deux jours avant le mariage, le rendez vous était pris pour l’état civil et pour le mariage religieux. Ils n’avaient pas l’argent pour le voyage, ils n’avaient pas de meubles, ils n’avaient rien, même après avoir travaillé si dur pendant tant d’années. Pour finir quelqu’un leur a avancé l’argent du billet. Mais Erino n’avait pas d’habits de cérémonie! C’est elle qui, ayant travaillé, a pu lui fournir ce qu’il fallait. Il en a souffert dans sa légitime fierté d’homme.

Comme les gens savaient qu’ils étaient chrétiens, ils ne payaient pas leurs factures! La famille Dapozzo ne recevait donc qu’une partie de ce qui lui était dû, ils arrivaient juste à vivre, à vivoter.

Notons aussi le dur combat que mena madame Dapozzo durant la Deuxième Guerre Mondiale, où séparée de son mari déporté en Allemagne, elle resta seule avec ses quatre enfants, d’abord en France; puis en Suisse en 1944 où elle fut rejointe par son mari l’année suivante grâce à une permission providentielle, tout à fait exceptionnelle, accordée par Himmler lui même !

Le frère Dapozzo a travaillé à plein temps dans le ministère seulement après la guerre ; avant c’était toujours en plus du travail professionnel ! Il a fait des réunions clandestines d’abord, puisqu’on lui avait interdit de parler. Les gens l’invitaient et il allait clandestinement dans les maisons pour tenir des réunions.

C’était un homme joyeux avant tout, très épanoui ! Ce qui l’attristait, par contre, c’était de voir la cadette de la famille ne pas vouloir marcher dans les voies du Seigneur. Cela a été toujours un grand fardeau pour lui.

Il a aussi connu le mépris, l’incompréhension, beaucoup d’incompréhension… Mais une autre source de grande souffrance c’était aussi, bien sûr, ce qui se passait, ce qui se passe encore aujourd’hui, dans les églises: la mondanité, la superficialité, l’amour de l’argent, le matérialisme… Cela le faisait beaucoup souffrir.

Il y a eu aussi ses combats en Italie, contre le clergé, qui lui en a fait voir de toutes les couleurs… Mais ça, c’était peu. Il souffrait beaucoup plus de tous les problèmes qui agitaient les églises. Il était tout à fait désintéressé et très sérieux. Il contrôlait avec soin les dépenses; ainsi, il a pu acheter et donner 27 tentes dont une quinzaine aux églises pentecôtistes d’Italie. Ce ne sont pas des petites tentes de camping, ce sont de grandes tentes d’évangélisation de 200, 800 ou 1000 places. Il travaillait du Nord au Sud de l’Italie avec les évangélistes, à tel point qu’il aurait pu faire une mission sous tente «Dapozzo», mais il n’a jamais voulu faire ainsi.

Il repérait sur place, en Italie, un chrétien authentique, qui voulait faire quelque chose, un missionnaire, un pasteur qui n’avait pas d’outil, pas de moyens, juste de quoi vivre. Alors il lui donnait une tente, quelle que soit sa dénomination : « C’est à vous », disait-il ! Ils lui répondaient: « On t’écrira ! » « Non, non, faites rapport au Seigneur. Vous êtes responsables devant Dieu. Non, pas de rapport à m’envoyer, cela vous appartient ». Il travaillait librement avec une grande bénédiction. Voilà le genre d’homme que c’était, tout à fait désintéressé. C’était l’affaire du Seigneur, pas son affaire.

Après sa maladie, il a remonté la pente, il s’en est remis, même si ce n’était pas à 100%. Il était complètement paralysé, mais il a réappris à marcher. Ils habitaient là haut, chez des amis, parce qu’il avait quand même besoin de soins et sa femme ne pouvait pas le soigner toute seule. Et là, il se remettait, il récupérait bien des forces, et voilà que tout d’un coup, un jour, il a eu des maux de ventre terribles. Ils ont tout de suite avisé le médecin qui est venu et qui a dit : « C’est très très grave ! Il faut tout de suite l’hospitaliser ». Ils ont fait des analyses. Et ils ont dit : « C’est une question d’heures. On ne sait pas exactement ce qu’il y a, mais dans l’état de faiblesse où il est, il y a de grands risques, il faudrait tout de suite l’opérer pour voir ce qu’il y a, mais on ne peut pas vous garantir qu’il supporte cette opération ». Alors tout de suite, ils ont fait venir toute la famille, pour décider : Qu’est ce qu’on va faire ? Est ce qu’on prend le risque de l’opérer, ou bien… ?» Certains disaient : « Mais c’est sûr qu’il faut tenter… » Et d’autres disaient : Il faut demander à Erino. C’est lui qui doit décider, puisqu’il est lucide, tout à fait lucide. Erino, c’est toi qui dois dire ! On va prier, mais c’est toi qui diras ce qui doit se faire. »

Alors on a prié ensemble. Et puis, il a dit: «Chers enfants, chère famille, je ne veux pas qu’on m’opère. J’ai travaillé pour le Seigneur, toute ma vie lui a été consacrée, je suis dans sa main ; le Seigneur peut faire un miracle comme il en a fait souvent dans ma vie, il peut le faire instantanément, et puis sinon, si c’est l’heure qu’il me rappelle, et bien, moi, je me réjouis d’arriver dans sa présence ». Alors, ils ont dit au médecin : « C’est tout clair. Nous nous soumettons à sa décision. C’est lui qui l’a décidé comme ça, alors on renonce. » Et puis, trois quart d’heure après, il partait, c’était en 1974, il avait 67 ans.

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« Erino Dapozzo par Fredy Gilgen », biographie trouvée sur www.lirelabible.com